Eva Taulois

Carnet de résidence
Atelier de Lindre-Basse, La Synagogue de Delme
avril 2014
Vue de l'atelier de Lindre-Basse,
Centre d'art contemporain, La Synagogue de Delme

RÉSIDENCE D’ARTISTE

ALPHABETICAL, 2014

Le processus de création que je mets en place est toujours lié à un travail d’enquête et de recherche de l’ordre de la prospection. J’analyse les contextes nouveaux dans lesquels je me trouve et j’essaie ensuite d’en dégager un langage plastique pertinent. Je rends ainsi visible l’idée d’une évolution permanente des formes tout en questionnant leurs origines dans de nouveaux contextes sociologiques, géographiques et historiques. En établissant un nouveau protocole de travail, je souhaite faire une comparaison entre les tuteurs utilisés dans la culture des arbres et arbustes et les éléments utilisés dans la construction de sculptures (gabarits, cales socles, volumes). Le territoire de la résidence, au sein du Parc Naturel Régional de Lorraine me permettrait de rencontrer des acteurs actifs de la région et d’échanger sur les systèmes de plantations liés aux différentes typologies forestières. Il existe plusieurs mode de tuteurage selon les espèces : simple, bipode, tripode en haubanage, droit ou oblique.
(Extrait de la note d'intention)

Nicolas Andry de Boisregard. L’orthopédie ou l’art de prévenir et de corriger dans les enfants les difformités du corps, 1749. 
Iconographie n°30 - Surveiller et punir – Michel Foucault, 1975
et carton d'invitation pour l'ouverture d'atelier, Eva Taulois, 21 mai 2014
Documentation personnelle de l'artiste
Encyclopédie des formes fruitières, “Les modes de conduite” : un métier, un art, une passion
Jacques Beccaleto - École Nationale Supérieure du Paysage, Actes Sud, 2010
de gauche à droite :
p. 90, Cordons verticaux ondulés doubles palissés à la loque 
p. 204, U double, pêcher palissé à la loque 
p. 227, Forme adaptée en espalier



L'atelier A. - Adagp en partenariat avec ARTE Creative

Tout en puisant dans un vocabulaire formel minimal, sériel, issu de l'abstraction géométrique, le travail d'Eva Taulois s'inscrit dans un réseau plus large de références qui mêle tout aussi bien l'architecture, les vêtements traditionnels bretons, l'art du patchwork, le design industriel...
Ainsi, dans le cadre d'une résidence à Pont-Aven en 2010, Eva Taulois réactive un savoir faire lié au repassage et à l'amidonnage de coiffes bretonnes et le transpose dans des formes sculptées, thermoformées ou modelées selon les gestes centenaires des repasseuses. En remettant en circulation une technique éprouvée par le temps, mais au bord de l'oubli, l'artiste s'inscrit subrepticement dans une longue chaîne de répétition des gestes du travail, et réconcilie l'art, l'artisanat et l'industrie.
Une de ses œuvres les plus récentes (Trust Fabrics, 2013) consiste en de somptueux patchworks de tissus monochromes cousus les uns aux autres, dont les motifs sont directement inspirés du wax africain. Si elle copie ces motifs, c'est parce qu'il s'inscrivent là encore dans une histoire de transmissions et d'appropriations techniques et culturelles. En effet le wax vendu en Afrique est produit par la Hollande, qui a ramené de ses conquêtes coloniales en Indonésie cet art de la teinture. Eva Taulois complexifie un peu plus ces déplacements en utilisant la technique artisanale du patchwork, au détriment de la production industrielle dont ces tissus font aujourd'hui l'objet en Afrique et en Hollande. Il est encore question de re-production et d'écart dans l'œuvre Erreur maximale tolérée (2011), série d'outils de mesure appliqués à l'industrie, dont l'apparence rigide est perturbée par l'introduction d'infimes variations.

Dans le travail d'Eva Taulois, on retrouve cette tension entre d'une part la règle établie, la norme appliquée à des objets, des gestes et des corps, et d'autre part la possibilité de s'en affranchir. C'est un des enjeux qui préside à la recherche qu'elle développe à Lindre-Basse, en se penchant sur l'usage des tuteurs, utilisés en arboriculture. Elle en étudie les applications, les formes et les matières, qui obéissent à une science savamment orchestrée : liens, grilles, béquilles, tendent à faire de la nature un outil de production rentable, parfaitement planifié. Mais le tuteur dresse tout autant qu'il accompagne les jeunes pousses, et s'adapte à leur croissance.

De là, Eva Taulois déploie ses sculptures comme autant de corps à corps de formes molles ou rigides, organiques ou métalliques, hiératiques ou serpentines, protégées ou enfermées... Si elles renvoient à cette logique de contrôle du vivant, elles y échappent par leur équilibre précaire et leur instabilité fondamentale. Le potentiel de chute devient alors le vecteur d'une émancipation possible. Mais in fine, dans le jeu des contraintes, l'artiste se demande quelles forces invisibles font tenir et grandir ces choses ensemble.

Marie Cozette, 2014

Vue de l’exposition Complément d'objets, Espace d'Art Contemporain Camille Lambert, Juvisy-sur-Orge, 2014
Photo : © Laurent Ardhuin
Le mikado, 2014, bois, tissus, 148 x 20 x 20 cm
Vue de l’exposition La forêt usagère, Galerie Doyang Lee, Paris
Photo : © Aurélien Mole
Le juste équilibre, 2014, bois, peinture acrylique, caoutchouc, 110 x 40 cm
Vue de l’exposition La forêt usagère, Galerie Doyang Lee, Paris
Photo: © Aurélien Mole
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Répertoire de formes urbaines



Le programme de résidence d’artistes est organisé par le Centre d’art contemporain - la Synagogue de Delme, en collaboration avec le Parc Naturel Régional de Lorraine et la commune de Lindre-Basse. 
Avec le soutien du Conseil Général de la Moselle, du Conseil Régional de Lorraine, de la DRAC Lorraine - Ministère de la culture et de la communication.