Untitled
Un répertoire décoratif actualisé dans un geste contemporain
Dans la nouvelle piscine des Gayeulles, l'œuvre de Nikolas Fouré UNTITLED consiste en plusieurs fragments de mosaïques disséminés dans la vaste salle des bassins.
Pour les usagers de cet équipement de sport et de loisirs, qui quittent un environnement urbanisé, ce sont deux écritures qui se raccordent spécifiquement à la ville qui se retrouvent transférées, déplacées.
Pour l'artiste, les murs carrelés choisis ne sont pas des surfaces neutres à occuper. Ils renvoient aux murs extérieurs de la cité et aux signes qui les recouvrent. A l'intérieur du bâtiment contemporain dont le caractère d'enveloppe affirme une forte intériorité, les parois carrelées apparaissent au premier regard comme supports de tags. Un second regard sur les mosaïques permet de reconnaître une autre forme d'écriture très spécifique à Rennes que sont les décors créés au début du XXe siècle par les frères Odorico, mosaïstes très présents dans le centre-ville.
Il faut rappeler que le cahier des charges à l'origine de cette commande incitait les artistes à considérer l'existence d'un fonds de tesselles issu de l'atelier Odorico et conservé par la Ville de Rennes. L'artiste a rebondi sur cette contrainte, non seulement en réutilisant une gamme choisie de tesselles qu'il aura fallu trier avec minutie mais en reprenant des motifs Art Déco de l'atelier Odorico. C'est justement l'existence de ce fonds très riche en terme matériologique qui lui a permis d'inscrire la dimension du temps dans son oeuvre, dans ce qu'il nomme une collusion archéologique.
Parmi les différentes formes graphiques du street art, la figure urbaine du tag s'est imposée. Le tag comme signature et non le graff. En traduisant en mosaïque un graff, le risque aurait été d'installer un pur décor mural. Et on sait combien la commande publique a pu connaître des ratés, notamment dans cette vaine transcription en mosaïque de tableaux modernistes. Dans la réflexion contemporaine sur l'art public, l'oeuvre de Nikolas Fouré repose aussi clairement la question des valeurs esthétiques, celles qui sont largement reconnues et celles encore ignorées. (...)
Extrait du texte de Vincent Victor Jouffe paru dans la publication UNTITLED