Œuvres dans l'espace public
Stéphanie Nava

Eppure Gira

Commanditaire : Ville de Marseille

1% artistique, 2009
Groupe scolaire Révolution, Marseille

CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES
L'oeuvre est composée d'éléments de type girouette positionnés sur le toit de la cage d'ascenseur et de deux dessins découpés sur tôle enchassés dans le mur de celle-ci.

Les "girouettes" seront réalisées en tôle d'aluminum rivetée, suivant les techniques de fabrication traditionnelle des girouettes. Ils pivotent sur un axe en acier inséré dans une patte de fixation vissée au sol. La finition est composée d'une sous-couche anticorrosion et d'une peinture haute résistance de type de celles utilisée dans l'aviation; Les dessins d'étoiles sont en tôle d'acier inoxydable de 5mm d'épaisseur. Le dessin est découpé au laser, puis les tôles sont traitées et peintes avec une peinture haute résistance cuite au four.

Eppure Gira, la Révolution et Galilée

L'oeuvre intitulée Eppure Gira que je propose pour le groupe scolaire Révolution sera installée sur la construction qui abrite l'ascenseur situé entre les deux cours de récréation. Elle est composée de différents éléments.
Sur le toit seront fixés dix mobiles en aluminium peint. Il s'agit de neuf mobiles pivotant sur leur axe fixés sur la partie basse du toit, et une girouette de plus grande ampleur fixée sur la partie haute.
Ces éléments seront accompagnés par deux plaques d'acier inoxydable peint fixées sur le coin Sud-Est du bâtiment. Ces plaques seront ajourées par découpe au laser, laissant apparaître en réserve le dessin d'une pléiade d'étoiles.

Cette oeuvre trouve son origine dans le nom même de l'école. D'emblée, l'appellation singulière de Révolution m'a paru devoir être l'axe principal de travail lors de l'élaboration de mon projet. Plus que la référence à l'Histoire de France, c'est un possible lien avec l'astronomie qui m'a intéressée : la question de la révolution terrestre. Mon travail et mes recherches se sont donc tournés vers Galilée à qui cette pièce fait directement référence.
Outre le nom de l'école, la position de la construction à investir et son affectation sont entrés en ligne de compte dans mon travail. Tout d'abord, cela m'intéressait que ce module soit situé entre les deux cours. Sa position en fait un repère visuel fortement présent. Il émerge entre les deux espaces, visible des deux côtés, en point presque culminant de l'école, en tout cas point culminant de cet espace intérieur. Ces caractéristiques, couplées à sa fonction principale d'élévation se sont imposées pour fonder mon projet.
Cette construction sera visible par les élèves de maternelle depuis leur cour de récréation, en levant les yeux vers l'école primaire. Les élèves de cette dernière auront eux le même type de point de vue, augmenté de la possibilité d'emprunter la coursive du premier étage et d'ainsi monter au niveau de la partie émergente du module.
Ces deux modalités d'accés suggéraient l'idée d'un passage d'un lieu à un autre qui suppose de grandir : pour accéder au niveau 1 que l'on voit depuis la cour, il faut rentrer en primaire. Grandir donc, et ce, au sein d'une école, c'est à dire en ayant acquis des connaissances.
Cette double exposition m'a guidée vers le désir d'investir le toit avec une pièce qui serait visible des deux côtés, de façon très légèrement différente, dans une continuité qui s'enrichit de détails lorsqu'on peut s'approcher de la pièce.
Une intervention à cet endroit demandait alors, pour être vue, de lever les yeux vers le ciel, ce geste qu'a fait Galilée tant de fois pour décrypter et comprendre les formes, mouvements et organisations des planètes. Face aux croyances dogmatiques imposées par la religion il a su comprendre avec la rigueur de la logique scientifique, avec la curiosité et l'audace d'utiliser la science pour questionner les acquis du monde, un fonctionnement fondamental de l'univers parmi tant d'autres découvertes et avancées primordiales.
Les girouettes que je propose d'installer sur le toit racontent ce geste à travers différents éléments empruntés pour partie aux travaux de Galilée ou qui évoquent les embûches rencontrées dans ses recherches.

Dix éléments sur le toit

Seule à être orientée, la girouette principale combine des schémas réalisés par Galilée pour l'élaboration de son télescope, pour la compréhension des mouvements des planètes les unes par rapport aux autres, avec des relevés des phases la lune. Le visage peut être une figure de Galilée dont l'oeil aiguisé se dessine en réserve sur le fond du ciel.
Ce premier élément émerge d'une espèce de chaos formé par la petite forêt de mobiles installée sur la partie basse du toit. Ceux-ci seront au nombre de neuf.
Un compas, outil phare de Galilée et de tout géographe. En pivotant sur son axe, il décrira des arcs de cercles, notant l'air comme une feuille de papier.
Une paire de mains, celles de Ptolémée tel qu'il est dessiné dans une gravure du XVII° siècle. Indécises, elles indiquent deux directions opposées.
Galilée, mathématicien de formation et intéressé principalement aux questions de physique et de mécanique, ne montra dans ses premières années que peu d'intérêt pour l'astronomie. Cependant, dès 1595 il participa au débat entre la théorie de Copernic, selon laquelle la Terre tourne autour du Soleil, et l'hypothèse d'Aristote et de Ptolémée, selon laquelle les planètes tournent autour d'une Terre immobile. Seule la thèse copernicienne était compatible avec la théorie de la marée de Galilée, reposant sur les mouvements de la Terre. Il l'a défendue et argumentée scientifiquement avec la persévérance qui lui vaudra les déboires qu'on lui connaît.
Cette théorie de Ptolémée trouve une image dans le cercle ajouré qui prend figure de labyrinthe, et dont le dessin est basé sur un schéma des théories de Ptolémée plaçant la terre au centre d'une galaxie formant des orbites circulaires excentriques menant au domaine divin.
Les résistances auxquelles se trouvera confronté Galilée dans l'élaboration de sa théorie, les sceptiques, les indécis, les incrédules, les timides effrayés par les menaces d'excommunication de l'église, les tenants des dogmes, s'agitent dans ce petit chaos sous la forme d'une tête trouée que le vent emplit, de quatre têtes liées tournant sans relâche lorsque le vent souffle, d'une tête dont le regard est empêché par la main même qui le retient et fait pivoter, et d'une tête qui sert de gouvernail à un monde plat et encore blanc.
Légèrement plus élevées, émergent deux formes, une lune dessinée d'après un croquis de Galilée et un disque blanc sur lequel se découperont, au gré des déplacement du point de vue, les divers éléments.

Formellement, la pièce jouera de deux notions, une notion de dessin - la réserve - et la question du point de vue. Les silhouettes se découperont sur le ciel, et les manques, les trous, forment des détails et produisent des textures. En se déplaçant, les enfants modifieront leur point de vue sur la pièce. Les différents éléments se combineront différemment, des rapprochements ou antagonismes pourront se créer. Le déplacement autour de la pièce agira donc comme un élément actif de la vision de celle-ci.

Un mur d'étoiles
Construit sur le principe de réserve, le dessin placée à l'angle du bâtiment reprend le schéma de Galilée décrivant la constellation d'Orion dans son ouvrage Sidereus Nuncius, Le Messager Céleste.
Les étoiles apparaissent par défaut, dans les découpes de l'acier. Elles accompagnent la montée par l'escalier et révèlent petit à petit leur mouvement dynamique.

Les formes utilisées, en grande partie circulaires, ainsi que le matériaux font écho à certains détails architecturaux qui ponctuent avec élégance le bâtiment initial. Elles répondent aux ferronneries, aux cercles qui soutiennent la verrière.

La majeure partie des éléments de mon projet seront peints couleur cuivre, avec quelques éléments blancs ou noirs.
La couleur cuivre permet de beaux reflets de la lumière du soleil, et cela de manière plus subtile que le doré. Elle fait aussi écho à la couleur terre des briques et s'impose dans un contraste éclatant avec le bleu dense du ciel méditerranéen.