Natacha Lesueur
Né⋅e en 1971
Vit et travaille à Nice et Paris
Corps délectable. Réminiscences picturales, mariage des arts corporel et culinaire... c'est ainsi qu'apparaissent d'abord les travaux de Natacha Lesueur.
Entre parure et agapes, dans la lignée des compositions d'Arcimboldo, des tableaux de Gustave Moreau et des jeunes corps féminins qui servent de tables à sushi pour quelques vieux sybarites japonais en goguette, célébration des nourritures terrestres, célébration du corps, festif, où s'accomplirait la fusion des plaisirs charnels.
(Juste retour des choses, ce sont sur des torses masculins que s'accompliront les libations pour une série de caissons lumineux faisant appel à la symbolique du vin : Torses 2005).
Associer corps et nourriture, c'est évidemment jouer de deux registres : celui du rapport intime que l'on entretient avec sa propre contingence, et celui du rapport de ce corps à autrui, dans le jeu des apparences, de l'attrait, de la séduction. Grâce à la complexité de ce double registre, le sujet reste maître du jeu. Le corps n'est pas livré, il s'assume, en pleine souveraineté. Grâce à l'anonymat de ces anatomies, de ces académies dont le visage est toujours dissimulé, l'artiste évite à la fois les écueils d'une autobiographie complaisante, d'une réification vulgaire, ou de toute équivoque voyeuriste. En confondant les domaines de la toilette et de la cuisine, la vitrine d'un magasin de mode ou d'un salon d'esthéticienne avec celle d'un traiteur en période de fêtes, Natacha Lesueur renoue, non sans détachement amusé, avec la tradition des vanités picturales.
Ecrivains, moralistes ou chroniqueurs ont maintes fois souligné l'aspect grotesque que peuvent avoir ces rituels de beauté qui associent les rondelles de concombre, la viande crue, et autres tartinages incongrus aux soins cosmétiques. Mais ici la sophistication de l'exécution évite que le parodique ne l'emporte.
Texte d'Hubert Besacier, in plaquette Natacha Lesueur, Maison de la Culture de Bourges, 2007