Florian De La Salle
Né⋅e en 1985
Vit et travaille à Bruxerolles
Florian de la Salle vise à la qualité d’un lien entre le geste et la matière. Ce qui caractérise ce lien, c’est une souplesse qui concilie rigueur et détente, résistance et poussée, centre et périphérie. Le geste assemble, grave, sculpte, moule, bobine, malaxe, combine, coupe, colle, enfonce, plie, dessine, restaure, prolonge, colore, enroule, et la liste s’allonge au fur et à mesure des actions. Il concentre l’épaisseur vitale du corps, porte la puissance de la pensée, libère l’énergie sous divers modes d’émanation et d’inspiration, oblige à la fois à la recherche et à la saisie rapide. La matière a la compacité et la bienveillance, l’euphorie et de la dureté, l’incertitude et l’appétence, l’assurance et la transparence, l’appel et la promesse, l’éclat et l’insistance du bois, de la cire d’abeille, de la paraffine, du fil de cuivre, du Plexiglass, du béton résine, du miroir, du papier buvard, du sel, de l’émail, de la porcelaine et de bien d’autres sollicitations. Sans baisser la garde, sans méconnaître ni les dangers ni les illusions, elle se prête à toutes les incursions, répond à tout ce qui la déplace, la surprend et l’amène à son degré le plus élémentaire où elle entre en résonance avec elle-même et s’affirme avec le plus d’ardeur.
Le geste et la matière ne s’ouvrent l’un à l’autre, ne se livrent réciproquement dans toute leur ampleur qu’en se laissant mutuellement pénétrer. Or ceci ne peut se faire que par une relation sans cesse redistribuée et basée sur des valeurs d’accueil et d’échange. Il en résulte une présence constante de l’expérience plurielle qui ébranle l’ordre acquis, provoque et entrelace l’apparition des différences et l’évidence des corrélations, et engage le processus de leurs nécessaires mutations. Le geste se dote ainsi de sa propre matérialité et, sans se confondre, s’accorde à la substance qui l’a généré. La matière participe à une connaissance du geste et se plie à l’exigence de sa mise à l’épreuve, sans perdre le contrôle de ses ressources.
De cette singulière alliance découle une forme qui échappe à une détermination rigide. La diversité de ses orientations lui apporte les voisinages les plus étranges. Cette forme convie au coude à coude le réel et l’imaginaire, le sensible et la rigueur, la fluidité et la rudesse. Elle ne dépend d’aucun désordre, d’aucune fantaisie, mais revendique une indépendance qui la dégage de toute étroitesse. Sentinelle, outil, écho, architecture, rêverie, circulation, vestige, damier, fantôme, addition, réminiscence, vocabulaire, surprise ou pacte, elle se manifeste comme un pur passage d’un niveau à un autre, et se déploie comme une incitation à l’investigation, un désir de lumière, mais se resserre aussi comme une ombre défendue, un espace clos, un silence. Elle demande une attention soutenue non pas pour être comprise, mais pour lui laisser le temps de faire remonter à la surface de son incertitude le jeu des rencontres et la gamme des bifurcations et des envolées. Florian de la Salle fait en cela indirectement écho à l’interrogation brûlante de René Char : « Comment vivre sans inconnu devant soi ? »
Didier Arnaudet, "Devant l'inconnu", mars 2019
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