Bretagne

Emmanuelle Rosso

Né⋅e en 1985

Vit et travaille à Belle-Île-en-Mer

« Comment habiter en dehors de chez soi ? » Se demande Emmanuelle Rosso, qui a depuis peu installé son atelier à Belle-île-en-Mer. Ses peintures, dessins, photographies, textes, films et performances frappent par la délicatesse de leur rapport à l’espace et prennent la forme d’une seule grande constellation qu’elle appelle le Blue Theater Project. « Le vide est-il un espace à vivre ? » Elle poursuit son investigation.

L’artiste se laisse traverser par ce qu’elle voit, travaillant à partir du souvenir d’une image ou d’une expérience et compose avec les manques. Comme si ses sens pouvaient absorber son environnement pour ensuite le révéler sur une surface : il s’agit d’une révélation graduelle, proche du processus d’apparition de la couleur dans la teinture – technique chère à l’artiste – ou du développement photographique, plutôt que de la représentation d’un motif existant.

Ce potentiel esthétique du manque, a mené Emmanuelle Rosso à réaliser Quelque chose brûle derrière ton ombre, peinture qui donne son titre à toute l’installation et puise ses sources dans le folklore slovène et les écrits de l’auteur mexicain Juan Rulfo. Ici, l’artiste revisite à sa manière, une gravure de France Mihelič intitulée Le kurent mort (Mrtvi kurent ,1953). En faisant disparaître le protagoniste de la scène, le kurent – figure majeure du carnaval slovène qui chasse l’hiver pour faire place au printemps, elle plonge les autres personnages dans une matérialité pirandellienne. Puis des chaises, des aphorismes, un costume et un chapeau pointu; la narration sort du cadre et l’histoire se poursuit.

L’artiste compose avec des éléments de nature différente aussi bien qu’avec un groupe d’arpenteurs-interprètes qu’elle met en scène depuis 2014 avec le projet itinérant de la Troupe Erratum, où l’œuvre devient un terrain d’expérimentation collective. Dramaturge de l’espace, Emmanuelle Rosso nous plonge dans une polyphonie de tonalités, de supports et d’indices, nous invitant à un temps d’écoute pour construire notre narration et habiter le lieu d’exposition.

Martina Sabbadini, 63rd Salon de Montrouge, 2018

© Adagp, Paris