Mirabilia

Muriel Rodolosse
Parc du Bois Fleuri, Lormont, 2020
janvier 2023
Mirabilia, 2020
Commande publique.
63 tableaux installés sur les façades du Château du Bois Fleuri
Parc du Bois fleuri, Lormont

Mirabilia, commande publique réalisée par Muriel Rodolosse dans le cadre de l’embellissement du château du Bois fleuri à Lormont a été inaugurée le 25 septembre 2020.

En confiant ce patrimoine à une artiste, la ville de Lormont, propriétaire depuis une cinquantaine d’années de ce manoir néogothique de la fin du XIXe siècle, a choisi de ne pas le restaurer et de le fermer définitivement pour en accompagner la ruine progressive.

Mirabilia fait corps avec le château : l'artiste a remplacé chacune des soixante-trois ouvertures, fenêtres et portes, par une peinture. On y aperçoit des intérieurs meublés et décorés d’objets curieux, parfois habités, à des stades de délabrement différents, faisant référence à diverses époques et récits. Certains sont inspirés par le passé du château, d’autres sont fantasmés ou anticipent le futur. La végétation s’y insinue ; le ciel bleu apparait au dernier étage, comme si la toiture ou la façade arrière s’était effondrée. Une illusion s’opère, perturbant le regard et stimulant l'imaginaire du promeneur qui flâne autour du château dans le parc du Bois fleuri.

Les soixante-trois peintures qui composent Mirabilia sont réalisées sur Plexiglas (technique de peinture inversée), support privilégié de Muriel Rodolosse depuis 1996. La surface du Plexiglas agit comme un miroir, et dans les peintures de Mirabilia se mêlent aussi l’environnement extérieur, le reflet des arbres du parc et du ciel qui le surplombe. Cette œuvre s’inscrit dans les recherches de l'artiste liées au mouvement, au déplacement, et à l’exploration d’espaces imaginaires atemporels où paysages, architectures et figures hybrides se révèlent et se cachent.

Entretien avec Muriel Rodolosse, 1ère rencontre dans l'atelier. Réalisation : Ville de Lormont, 2019

Un cabinet de curiosités à ciel ouvert

La particularité de ce projet réside dans une ultime métamorphose du château en un miroir pictural où se répondent la nature, l’histoire et les récits suscités par l’édifice. Son titre Mirabilia, évoque le mélange du merveilleux et du monstrueux, il fait également écho aux cabinets de curiosités de la Renaissance qui réunissaient dans un même lieu des objets scientifiques, naturels ou artistiques remarquables. Outil d’appréhension et d’inventaire du monde, ils dressaient un récit, une vision où l’extraordinaire, le fictionnel et le merveilleux avaient toute leur place.

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La notion de temps est présente de diverses manières. Il en est même le personnage principal. Son passage est lisible sur le corps du château qui porte les stigmates du vieillissement et de l’abandon : fissures, lierre, murs décrépis, fenêtres closes et balustrades tronquées. Destinées à accompagner la bâtisse dans sa fin d’existence, les peintures deviennent des prothèses qui transforment le château en œuvre d’art. A travers la citation d’éléments architecturaux intérieurs disparates (lustres, moulures, mosaïque de bain, boiseries…) l’artiste pioche dans les différentes strates des vies du château, vestiges de ses rôles antérieurs (lieu de villégiature, habitat collectif, bibliothèque publique).

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L’artiste ne s’est pas souciée de la véracité du passé, pour elle « cela se joue ailleurs ». Ainsi a-t-elle évité l’usage de documents d’archives qui peuvent s’avérer enfermants. De même, bien que ses peintures soient proches d’un réalisme photographique, elle n’a pas utilisé de vues du château tel quel, mais s’est attachée à quelques détails pour créer de nouvelles visions. Elle a également réalisé sur place toute une série de croquis qui sont à ses yeux « une mise en route du travail, une appropriation de l’espace ». […]

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Le souci des détails

Avant même de commencer la moindre peinture, Muriel Rodolosse a tout d’abord pris les mesures exactes de chaque ouverture du château, soit soixante-trois. Puis chaque cote a été reportée sur un Plexiglas suffisamment épais pour accueillir les peintures de l’artiste. Afin de maintenir en toute sécurité les futures œuvres dans les embrasures, un système de cadres en fer plat, fournis par un serrurier, ont été fixés préalablement en atelier à l'arrière des peintures. La fixation des cornières a été intégrée dans les embrasures des fenêtres du château. Enfin, un mastic colle polymère, résistant aux intempéries, a également été utilisé pour coller les plaques de polycarbonate. L’installation sur mesure des panneaux et la dissimulation du dispositif d’accrochage renforcent l’analogie avec l’idée d'une fenêtre comme ouverture sur un autre espace.

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Vidéo réalisée au téléphone portable durant l'installation, par Muriel Rodolosse, le 8 août 2020

Une invitation à la déambulation

L’œuvre scénographie l'espace et invite le visiteur à déambuler, à contempler… constituant un signal artistique fort. Elle lie symboliquement nature et culture, entre en cohérence avec la réhabilitation du quartier Génicart, le projet de la rue des arts. Le regard du spectateur participe à l'œuvre, lequel associe spontanément les perspectives et les points de fuite de Mirabilia avec son environnement.

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Muriel Rodolosse met en œuvre un univers hybride où l’espace et le temps fusionnent, où le foisonnement végétal dialogue avec les éléments architecturaux, où des animaux et des figures humaines énigmatiques se meuvent. Un récit s’instaure ainsi entre les peintures et leur lieu d’exposition, une immense cimaise où il est possible de mettre en scène une multitude de vues pensées comme autant de tableaux théâtralisés qui interpellent le spectateur tout au long de son parcours.

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Consulter les reproductions photographiques des 63 tableaux au sein du dossier de l'artiste :
https://dda-nouvelle-aquitaine.org/Mirabilia-detail-des-tableaux-47082