Alice Guittard & Mathilde Rouiller
Au printemps, tu manges l'automne
Alice Guittard, sculptrice et photographe, et Mathilde Rouiller, performeuse et scénographe, se sont rencontrées en Grèce pendant l’été 2023. En partant à la découverte de l’île de Tinos, elles font la rencontre d’un couple qui récoltait des câpres devant chez lui. Elles échangent alors longuement autour de cet arbrisseau méditerranéen, dur à domestiquer et poussant dans les interstices rocheuses.
De cette rencontre né un projet qu'elles explorent aux Ateliers de la Madeleine pour une résidence de création de l'automne 2023 au printemps 2024. À travers ce carnet de résidence, Alice Guittard et Mathilde Rouiller vous livrent un aperçu de leur exploration, travail de recherche et production.
L’œuvre principale est visible à Fleurs d’Arles, et s’active au rythme des saisons. Une partie de ce travail a également été restitué à la Fondation Thalie du 26 mars au 6 avril 2024.
Regardons la table, la table après le repas, la table où l’on pose, où l’on prépare, la table où une fois que tous les convives sont parti.es, ne restent qu’en silence les traces de nos gestes. La table, qui habitée par la chorégraphie des repas, traverse le temps, les saisons, et les mémoires. Au travers de l’objet, il y a la rencontre de l’abiotique et du vivant. Il y a dans les creux, dans les espaces concaves, convexes, dans les détails, les souvenirs des gestes
Aux Ateliers de la Madeleine, les artistes ont fait se rencontrer leurs deux pratiques, où arpentage, rencontres et sculpture se mêlent à un protocole pour une performance-installation autour des gestes culinaires : étudier, anticiper les gestes, les chorégraphies qui se déploient sous plusieurs typologies (leurs gestes artistiques, les gestes du public, ou encore les gestes de recherche avec les personnes du territoire), construire un espace suspendu où se mélange les temps linéaires et cycliques, les temps du vivant et du minéral. Mais surtout repenser la porter du geste humain au creux de ces temps distendus.
Depuis l’automne 2023, Alice et Mathilde observent comment les rencontres se font sur le territoire, comment les éléments minéraux viennent s’assembler sous la forme de ce jardin de survivance. Grâce au soutien de la Carrière de Fontvieille, elles ont imaginé comment cet objet « table » viendrait s’activer selon une série de protocoles liés aux saisons. En collaboration avec Marie Varenne, horticultrice de la région, mais également d’autres complices comme l’École Nationale de la Photographie ou Clarisse Le Bas, elles observent ensemble les gestes depuis la semence, la mise au repos jusqu’à la récolte saisonnière, afin de redécrire un paysage imaginaire et imaginée autour des rencontres, des mouvements et des liants, mais aussi du temps qui forge le territoire.
Ici, le territoire identitaire et frontalier, laisse place aux points de rencontres, aux symboliques qui viennent mettre en scène ce paysage fictionnel, où les différentes strates temporelles viennent habiter le temps. Chronos, le temps séquentiel, linéaire et quantifiable, celui géologique du minéral, et support physique accueillant l’Aiôn, temps cyclique et saisonnier. Tous deux seraient métamorphosés par Kairos, temps distendu que l’on retrouve dans les expériences rituelles et performatives activées ici par les deux artistes.
LES RENCONTRES
Ce projet est né d’une rencontre l’été dernier avec un câprier.
Elle a donné lieu à de multiples découvertes sur le territoire arlésien, depuis la Camargue jusqu’aux Alpilles, des vivants et des non-vivants.
SCULPTER LE MINÉRAL
La pierre de Fontvieille est une pierre extrêmement poreuse, où la végétation prend aisément vie. En collaboration avec les équipes de la carrière, cette pierre a été travaillée, coupée, taillée, et brossée pour rendre propice l’accueil d’un paysage imaginaire.
Des fossiles ont été révélés, des trompes l’oeil créés. Le plateau vient s’encastrer sur deux pieds.
RÉCOLTER LE TERRITOIRE
En arpentant et en nous promenant sur le territoire, nous avons récolté de multiples traces de ce qui font le territoire sur lequel nous travaillons. Nous nous sommes notamment rendues en Camargue, dans les salins de Giraud, et avons collaboré avec deux personnes très présentes dans la région : Marie Varenne, qui travaille autour des fleurs, et Clarisse Le Bas, ethnobotaniste et historienne de l’art. Avec elles, nous avons identifié et travaillé sur la composition de notre jardin. Notre jardin est composé de plantes comestibles, transformées ou non, et évolue selon les saisons. Il s’agit d’un jardin où nous explorons ce qui pousse dans la rencontre avec la pierre de Fontvieille, en fonction des saisons.
Comme un jardin de survivance, il se suspend dans le temps et l’espace en fonction des saisons.
RÉINTERPRÉTER LE VÉGÉTAL
En nous intéressant au végétal, nous nous sommes demandées comment archiver celui- ci? Alors que celui-ci peut être dégusté dans sa forme brute ou conservée, nous voulions également réinterpréter les herbiers. Les compositions et indexations de ces herbiers peuvent être celles de recettes, d’associations imaginaires, d’élixirs pour rituels.
Pour cela, nous collaborons avec l’École Nationale Supérieure de la Photographie, notamment avec le Fablab et leur cellule de recherche autour des images vivantes. Cela vient compléter notre recherche en cours sur la création d’images en mouvement, éphémères tant au travers de la mise en scène de celles-ci que dans les médiums d’impression utilisés.
Les recettes et l’arpentage sur le territoire ont dont été archivé dans quatre herbiers présentés comme des parchemins secrets. Eux aussi suspendus sur des patères en pierre, ils proposent une nouvelle classification de ces objets qui traversent le temps, une nouvelle forme d’archive.
LE PROTOCOLE DES SAISONS
— Hiver - Hiberner, Nourrir —
— Printemps & Eté - Réveiller, Activer, Déguster, Chorégraphier... —
— Automne - Récolter, Sculpter, façonner, conserver, préparer —
RESTITUTION DE LA RÉSIDENCE
— Performance le samedi 30 mars 2024, à Fleur d’Arles
Mas Thibert 8257 Route des Marais 13200 Arles
— Installation à la Fondation Thalie du jeudi 28 mars au samedi 6 avril 2024
34 rue de l’Amphitheatre 13200 Arles.