Gue(ho)st House
Deux lignes de force déterminent l’objet de la commande passée aux artistes Christophe Berdaguer et Marie Péjus : d’une part le réaménagement des abords du centre d’art contemporain, d’autre part la façon de mieux signaler celui-ci pour les passants et les automobilistes, depuis la route départementale qui traverse Delme.
Les prémisses de la réflexion remontent à septembre 2005. C’est dire si le projet inauguré en 2012 est le fruit d’un long processus, qui a mis en jeu des partenaires et des interlocuteurs multiples.
Le périmètre de la commande, qui englobe les espaces situés entre l’hôtel de ville (anciennement tribunal et collège), la synagogue et la route départementale à l’avant, puis une petite maison (anciennement prison, école, boutique et chambre funéraire), un terrain de tennis et le gymnase du collège à l’arrière, a impliqué non seulement un centre d’art mais surtout une commune, désignée dès le départ comme maître d’ouvrage.
Un des enjeux du projet passe par la transformation des usages d’un espace public qui constitue, dans ce cas précis, le cœur de la vie culturelle, associative, sportive et administrative de Delme. La présence pendant de nombreuses années d’une chambre funéraire, sise dans la petite maison à l’arrière de la synagogue et de l’hôtel de ville, impliquait de tous la retenue que l’on imagine… La nouvelle affectation des lieux a permis d’envisager sa requalification, à travers une proposition artistique ambitieuse, permettant de transformer le regard sur les lieux sans pour autant faire table rase du passé.
Par ailleurs, pour le centre d’art, cette commande répond à des besoins concrets, liés à ses missions d’accueil des publics, de médiation et d’accompagnement. Dans les faits, cela veut dire pouvoir accueillir des groupes, loger les artistes pendant les temps de montage, offrir aux visiteurs un espace de documentation qui leur permette d’aller plus loin dans leur découverte de l’art contemporain et de l’exposition.
Depuis bientôt 20 ans, le centre d’art développe ses actions en lien avec le territoire dans lequel il s’inscrit. Ainsi en 2002, il adjoint aux expositions à Delme un programme de résidence d’artistes à Lindre-Basse, en partenariat avec le Parc naturel régional de Lorraine. En 2003, c’est un poste de chargé des publics pérenne qui est créé. Les missions sont nombreuses, et le défi qu’elles ont souvent représenté a toujours été relevé avec passion. Petit à petit, ce sont divers outils de médiation qui ont été conçus pour accompagner au mieux les visiteurs : ateliers de création artistique, dossiers pédagogiques pour l’Education Nationale, discussions publiques avec les artistes, goûters art et philo…
Si la mission d’accompagnement des publics est d’autant plus cruciale sur un territoire où l’offre culturelle est moins dense que dans les centres urbains, la synagogue de Delme ne bénéficiait pourtant d’aucun espace de médiation à proprement parler.
Le bâtiment est inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 1984 et l’architecture en tant que telle est protégée. À l’intérieur, l’unité architecturale se prête à des œuvres qui investissent tout l’espace, et celui-ci est entièrement dévolu aux expositions.
Alors comment permettre aux visiteurs de prolonger leur visite ? Quel espace leur proposer pour se documenter sur les artistes, sur la création contemporaine en général ? Comment organiser avec un minimum de confort l’accueil des scolaires et des groupes, toutes générations et tous horizons confondus ? Comment développer les ateliers de pratiques artistiques avec les plus jeunes ? Comment enfin repenser les circulations entre la synagogue, l’hôtel de ville et l’ancienne chambre funéraire, tout en permettant de porter un nouveau regard, de prendre en charge la mémoire des lieux pour construire l’avenir ?
C’est dans ce contexte que le ministère de la Culture et de la Communication a été sollicité pour une commande publique, et ce sont toutes ces questions qui ont alimenté la réflexion des artistes. Ceux-ci, aussi bien à l’écoute des besoins pratiques que de l’histoire des lieux ont proposé une œuvre remarquable, intitulée Gue(ho)st House, dont la conception et la réalisation ont été pensées en étroite collaboration avec l’atelier c.H-D art production.