Yohann Gozard

Avec la photographie, Yohann Gozard explore les limites du visible, comme l’archéologue met à jour les strates historiques. Il pousse les techniques de la photographie pour aller jusqu’aux bords de ce que l’œil perçoit, révélant, dans ces paysages que rien a priori ne destinent à la contemplation, quelque chose d’une mémoire effacée. Il opère en deux temps. D’abord, aux antipodes de « l’instant décisif », Gozard applique souvent de longs temps de pose. Il aime être là pendant que l’image se fait, débouchant parfois des zones d’ombre, laissant la lumière infuser, se laissant gagné par l’esprit du lieu autant que celui-ci le prend et l’absorbe. Il arpente l’espace du cadrage, les pieds sur terre, fidèle à un point de vue d’humain, enveloppé par la nuit, la solitude et le silence. Le second temps consiste en un travail précis de retouche à l’écran. Le paysage est appréhendé comme une matière à modeler pour en augmenter la vraisemblance. « Les images qui paraissent les plus vraies sont souvent les plus retouchées. » dit-il. Gozard nourrit ses photographies d’une relation constante à l’histoire de l’art. Il initie une sorte de romantisme contemporain qui invite à l’expérience du temps vécu dans ces espaces improbables que nos modes de vie et de consommation ont érigés en zones désertées, oubliées, ou tout juste traversées, et dans lesquels il nous faut bien trouver notre place.

Martine Michard