Provence-Alpes-Côte-d'Azur

Piotr Klemensiewicz

Né⋅e en 1956

Vit et travaille à Ongles et Berlin

La peinture m'apprend quotidiennement à regarder, à penser les articulations des choses vues, à éprouver un regard droit, direct et horizontal, c'est-à-dire au niveau de mes yeux, ou à tenter de définir les choses d'un regard oblique et courbe. Car les étapes du tableau vont à ce train, et permettent d'élaborer un langage vivant. Un jour je pense que les images mobiles sont furtives, un autre jour, je pense des images peintes.
Si la vision d'un tableau interrompt le mouvement, notre regard a la capacité de relier toutes sortes d'images. Peut-on faire l'économie du récit de celui qui se rend à pied d'un endroit à l'autres ? A une vitesse si subtile qu'elle ne peut se confondre, avec toutes les autres vitesses possibles. Dans Brazil de Terry Gillian, film parmi d'autres, se côtoient un univers rustique et une technologie sous perfusion, passablement délabrée, où la présence permanente d'un service après vente devient la justification même du fonctionnement de la société. Si de nombreuses expériences plastiques au XXème siècle n'ont rien pu contre la barbarie et la fuite en avant, je reste méfiant à l'égard de l'obsession technologique dans les pratiques artistiques. Il se construirait à nos dépens une tour de Babel horizontale aux formes puritaines, dangereuses et soi-disant universelles. Peut-être la peinture retournera-t-elle sur les murs. Les gens, en passant, frotteront les parties peintes du sol au niveau des genoux. Au dessus, c'est avec les mains qu'ils useront et gratteront la peinture. Et si rien d'autres n'altère ces murs, seul, sur les parties supérieures, glissera notre regard.

Piotr Klemensiewicz, in Le Journal des Expositions, extrait, 1998