Provence-Alpes-Côte-d'Azur

Pierre-Gilles Chaussonnet

Né⋅e en 1962

Vit et travaille à Marseille

La démarche consiste à dérégler les proportions du monde. Sans lésiner sur l'huile de coude tout en se réappropriant le ready-made, Pierre-Gilles Chaussonnet invente une nouvelle cartographie qui aurait séduit le capitaine Nemo. Les dichotomies se multiplient sensiblement : dans un usinage à la fois pessimiste et porteur d'espoir, alternant le microcosme des saynètes et l'imposant format des productions, une esthétique industrielle s'oppose à un onirisme dédié à l'enfant qui persiste en nous (et qui aimerait parfois que la vie soit aussi simple que dans un camp de soldats de plomb ou sur un train électrique). Entre mise en boîte et mise en bière, ces «aquariums » vides d'eau ne le sont pas de sens ni de références ; l'artiste s'interdit de dicter des interprétations (évitant de titrer ses oeuvres) et échappe lui-même au clivage : l'homme est élégant, fait preuve d'une classe à la John Steed mais arbore treillis et baskets, et son regard brille d'une pointe d'ironie permanente. D'un air détaché, il actionne insidieusement le bouton de la gravité. Les formes sont travaillées dans un superbe atelier rempli de machines qui semblent sortir d'un hangar d'Allemagne de l'Est, dont le charme désuet participe à une esthétique troublante. Soudant, tronçonnant et ré agençant, l'amateur de Kubrick accumule les chapitres extraits d'une odyssée singulière. Les décors miniatures internes, que le spectateur doit souvent appréhender à travers judas et objectifs, sont des visions qui remodélisent l'approche artistique. Questionnant la marche progressiste de l'ingénierie et la solitude immuable de l'individu face à sa propre évolution, il décline le propos de Jean Fourastié qui, dans Le Grand Espoir du XXème siècle, soulignait que « la machine conduit l'homme à se spécialiser dans l'humain ». Car dans ces froides carapaces métalliques survit un instantané de poésie qui cherche à apaiser le mouvement du temps.
Ce constat d'un monde presque sans illusion (par le truchement des maquettes incluses) trouve une clef au coeur d'un paradoxe incessant : une fabrication-destruction qui engendre de nouvelles constructions mentales. Vous mettez l'oeil dans un rouage et l'imaginaire bombarde...

Marika Nanquette-Querette, 16 juillet 2009