Paul Paillet
Né⋅e en 1986
Vit et travaille à Genève
Les œuvres de Paul Paillet sont habitées de fantômes. Des fantômes qui se manifestent d’une pièce à l’autre, logés, çà et là, dans les fibres du papier. Ils sont évoqués au cours du processus de production qui consiste à graver une matrice de dessins ou de mots, avant de réaliser un gaufrage sur papier pigmenté. Chaque moule, fruit d’un savoir-faire associé aux compétences de l’artiste dans le domaine de la céramique, est conservé, puis réutilisé.
Ces matrices auraient vocation à démultiplier les pièces, les rapprochant de la série ; toutefois, le résultat final est toujours unique. La copie se situe ailleurs. Elle relève de la trace laissée par le moule, comme la réminiscence des travaux antérieurs qui transparaissent en filigrane à la surface du papier. La relation entre l’ensemble des pièces s’établit ainsi lors du processus de production qui engendre, à la fois, le visible et l’invisible de l’œuvre.
Le travail de Paul Paillet raconte l’artiste, en creux. Il se compose de strates, à l’image des allusions subtiles à la vie privée qui fournit une partie du matériau symbolique de ses pièces. L’intime est également suggéré à travers l’évocation de rituels quotidiens (le petit-déjeuner de Fascination for Fire, Centre d’édition contemporaine, Genève, 2020) ou la représentation d’objets courants (les canapés de Paths of desire pass through chaos, Villa Bernasconi, Genève, 2024) servant de cadres à la mémoire. Pourtant, les souvenirs – en arrière-plan – ne tendent pas vers l’autobiographie. La singularité de l’existence, au contraire, est interrogée au regard de la société ; l’histoire personnelle participe au récit collectif.
Christine Glassey, 2024