Michel Herreria
Né⋅e en 1965
Vit et travaille à Bordeaux
Peindre au tableau noir
Allez me faire une peinture au tableau noir ! C'est l'ordre qu'aurait pu donner un maître d'école fou, ordre auquel Michel Herreria a choisi d'obéir. Le peintre se sert donc d'une craie blanche, un outil ultra-simple aux prises avec l'ultra-savant de la peinture.
Un peintre a besoin de se poser un handicap majeur qu'il surmonte en créant sa technique picturale, révolutionnaire si possible. Celle d'Herreria commence à la paralysie du gosse devant l'intimidant tableau de classe, dont les formats de ses peintures sur papier reprennent les énormes dimensions. La matrice de ces pièces paraît être la trouille de manquer de questions, face aux multiples univers mieux-disants qui composent l'actuel meilleur des mondes.
À un être de parole tel que l'homme, la peinture qui lui correspond, — une contemporaine et rivale puissance de dire.
Dire autrement, avec des couleurs qui préservent leur qualité salissante, la capacité de maculer, du meilleur usage pour souiller des habitudes. Discourir, mais dans la langue indiciblement mélancolique des graffitis, toujours ultimes. Il y a là comme un Art Brut à la hussarde, comme un Philip Guston soluble dans Honoré Daumier, et tout autant du Francis Bacon géomètre chez Alfred Jarry. Le style adéquat pour afficher le pathologique à sa véritable échelle : le hors d'échelle.
C'est une grande tradition cruelle qui se remet à la peinture, au formidable discours que sait tenir la peinture, lequel épouvante et réserve la joie de rire.
Hugo Lacroix