Provence-Alpes-Côte-d'Azur

Martin Caminiti

Né⋅e en 1959

Vit et travaille à Nice

Des objets assemblés comme des mariages impossibles, ou plutôt des parties d'objets désarticulés, désossés et réassemblés pour former des sortes de machines inutiles et mystérieuses : une roue et une canne à pêche, un accoudoir et des milliers d'allumettes, des scions et un escabeau... etc. Qu'est-ce que veulent dire ces rencontres d'objets qui n'ont, à priori rien à voir entre eux ? Pourquoi ces assemblages - là et pas d'autres ?
D'abord, je me vois plus comme un "dessinateur dans l'espace" que comme un sculpteur. Ces cannes à pêche, fragiles et souples, je les utilise plus pour les lignes qu'elles m'apportent, avec leur pleins et leurs déliés, que pour l'objet lui même avec tout ce qu'il évoque. Il en est de même pour les autres éléments : nasses de pêcheur, pédalier, manivelle de moulin à café sont avant tout utilisés pour leur qualité graphique. Ces objets en trois dimensions sont l'équivalent des traces que je pourrais laisser avec un pinceau chargé d'encre sur une feuille de papier. En effet, des lignes se dessinent, se chevauchent. En fermant des espaces, les cannes créent aussi d'autres formes, d'autres graphismes. Les fils métalliques tendus créent d'autres lignes plus fines, parfois à peine visibles qui peuvent évoquer les traits de construction d'un dessin, d'une ébauche. Pour compléter la métaphore, beaucoup de mes sculptures comportent peu d'épaisseur et sont plaquées au mur comme sur une feuille géante. D'autres sont au sol, il est donc possible de se déplacer, de tourner autour. C'est alors un peu comme si l'on s'offrait la possibilité de pénétrer dans la feuille de papier pour découvrir l'espace vierge et inconnu qui se trouve derrière le trait, la ligne, la trace graphique.
Ces assemblages, ces "collages" d'objets finissent, même si ce n'était pas le but initial, par évoquer des ossatures, des squelettes, des formes animalieres, des insectes, et deviennent des silhouettes allusives. D'ailleurs, les pièces murales, avec leur coté léger et fragile m'ont déjà fait penser, quand elles sont stockées à l'atelier sur un seul même mur à une collection de papillons épinglés !
Les pièces au sol ont, en général, comme socle un objet entier ou détourné, mais assez massif. Cependant, je pense qu'elles conservent un aspect aérien et mobile par la simple utilisation de la roue ou des objets de transport en général .En effet, éléments de bicyclettes, landaus, poussettes, roues de charrue ou de faneuses, caddies... etc, évoquent le déplacement et le mouvement. Il s'agit presque toujours d'une impression, d'une mobilité imaginée, car en fait ces éléments sont fixés au sol. C'est plutôt comme un mouvement arrêté, une image photographique.
Ces différents objets forment ainsi une sorte de vocabulaire dans lequel je puise à volonté. Je les articule, les assemble, les oppose, et c'est ensemble qu'ils prennent du sens. Qu'on les reconnaisse ne me semble pas un problème, car ils ne sont pas niés dans leur fonction première. Simplement, tout en évoquant leur quotidien, ils s'en échappent au travers de ces associations. La poussette d'enfant aux barres inversées prolongées par des scions n'en est plus tout à fait une : on l'identifie, mais j'essaye par cet assemblage de la plonger dans un bain de poésie et d'humour. C'est encore une poussette d'enfant mais elle a perdu sa logique utilitaire.
Et "paon" ! Il fait la roue ! Et Marcel dans tout ça me direz-vous ! Un certain nombre de personnes m'ont collé l'étiquette d'artiste "post-Duchampien" et petit-fils du ready-made. Il y a des vérités que l'on ne se lasse pas de répéter. Tout cela a commencé avec la roue de bicyclette bien sûre. Je l'ai bien cherché, j'en conviens. Et puis, je ne suis pas le seul, j'ai beaucoup de cousins. Alors, mon cher Marcel, Je t'envoie mes pensées les plus sincères et je te tire ma... référence !

Martin Caminiti, "Paon" ! Il fait la roue, 2000