Provence-Alpes-Côte-d'Azur

Mariusz Grygielewicz

Né⋅e en 1971

Vit et travaille à Marseille et Paris

Je suis penché au bord d'une falaise.
J'ai dans le crâne un chaos inouï. Je ne crois plus qu'on puisse changer le monde.
Plus de révolution. Plus d'avant-garde.
La création d'un appareil objectif sous la forme d'une élite de l'humanité entière est impossible, étant donné que la croissance de l'intelligence supprime le courage de l'acte.
Le plus grand sage ne pense pas ses idées jusqu'à terme, par peur.
La peur de soi-même n'est pas une légende, mais un fait.
Je regarde dans le vide. Une femme avec un bonbon passe. Je mange le bonbon.
Tout seul je ne peux rien faire. Voilà que je pleure honteux, solitaire, moi naguère si sauvage et entreprenant. Je ne saurais même pas écrire un bon poème ou bien pire, je n'aurais même plus envie d'en écrire un.
Je ne sais même pas qui je suis. Politiquement, bien entendu !
Brrr. Quels frissons existentiels.
Dans la vie, je suis comme un vieux bouffon réduit au crochage, au farfouillement paresseux, à l'analyse synthétisante des tripouillis de la jeune création contemporaine.
La femme avec le bonbon repasse. Je le remange.
Voilà, un des moments décisifs et décoratifs du persiflage du cerveau.
Les cervelles ne m'intéressent plus. Je veux changer de métier.
Je veux travailler honnêtement, bravement, sur le premier endroit sensible de l'existence.
Tout seul je ne peux rien faire. J'aime les pieds des autres.
Je réparerai leurs talons, ils les tiendront droit, comme jamais. Je recommence à rêver. Je vais changer de métier. J'aimerais travailler sur le socle existentiel, sur la tenue de la colonne vertébrale de l'humain. Je veux être le bottier, le cordonnier et agir et réparer le monde à sa base. Cela apaisera les restes effilochés de mon sadisme révolutionnaire et les chimères avant-gardistes. J'aurai les pieds.
Les pieds, les pieds, les pieds. Tout va marcher.
Les têtes ne pencheront plus, comme jamais.

M. G., 2006