MÀJ
Auvergne-Rhône-Alpes

Laurence Cathala

Né⋅e en 1981

Vit et travaille à Lyon

« De diverses manières, livres, revues et imprimés traversent la majeure partie des œuvres de Laurence Cathala : ils y apparaissent au sein des bibliothèques qui meublent divers intérieurs dessinés par l'artiste, s'y manifestent comme images, comme objets factices, y sont convoqués sous des formes génériques, à l'état d'objets fantômes médiatisant l'absence du texte, au travers d'extraits empruntés ou inventés, ou sont enfin le lieu même de production et de diffusion du travail, la plupart de ces possibilités pouvant se combiner.

(…) Objets à lire et à voir à la fois, même lorsqu'ils ne contiennent que du texte, les livres renvoient de façon quasi auto-réflexive à la pratique artistique de Laurence Cathala, qui tend à faire se confondre le dessin et l'écriture, ces deux termes ayant une origine étymologique commune dans le graphein grec. Un graphe, c'est en effet une trace, qu'elle soit écrite ou dessinée, la langue grecque antique ne conférant pas à ce terme le pouvoir de dissocier catégoriquement les régimes du dicible et du visible. On peut alors considérer que l'essentiel du travail de Laurence Cathala résulte d'une pratique qui consiste à créer des graphies, c'est-à-dire des écritures au sens le plus large du terme. (…)

L’artiste travaille dans une forme de grand écart entre deux figures d'adoption : celle de l'écrivain d'une part, et celle de l'historien, ou du moins de l'archiviste, d'autre part. L'hybridation des deux postures est le processus qui donne forme à son travail. Plus précisément, la mise en relation des éléments qui apparaissent dans ses œuvres, les correspondances qu’elle crée entre eux, la temporalité incertaine à laquelle ils nous exposent et les appropriations dont ils peuvent faire l'objet tant de sa part que de la nôtre, font émerger une sorte d'écrivain fantôme. Ce n'est donc pas un hasard si le terme ghost-writer apparaît dans le titre de plusieurs pièces réalisées par Laurence Cathala.
Cet écrivain n'est pas tout à fait l'artiste elle-même, mais une figure fictive qui émerge à la croisée de ses travaux. Un ghost-writer, en langue anglaise, est un nègre littéraire, celui qui écrit dans l'ombre d'un autre. Mais point de nègre derrière le travail d'écriture de l'artiste. À vrai dire, c'est peut-être l'inverse qui se produit : Laurence Cathala serait l'écrivaine de l'ombre derrière l'écrivain fictif que ses œuvres mettent en scène. » (…)

Extrait de Laurence Cathala, La vie des livres, Jérôme Dupeyrat, 2016