Jérémy Chevalier
Né⋅e en 1983
Vit et travaille à Genève
La musique rock, que Jérémy Chevalier a pratiquée, constitue la première source d’inspiration de son travail de plasticien. Avec humour et dérision, ses objets, installations, performances et vidéos mettent en évidence les instruments, les outils, la gestuelle et les codes dont se sert l’industrie du spectacle, ainsi que les effets dérivés, les ratés, les accidents qu’elle suscite. Son inventivité se nourrit également de sa formation en électrotechnique, puisqu’il peut tout aussi bien se transformer en homme-orchestre habillé de haut-parleurs, inventer un micro qui s’éclaire quand on y parle, ou griller des saucisses par le courant qu’il génère en jouant de la guitare électrique ; il rend ainsi visible tantôt le rapport du corps à la musique, la diffusion du son, les circuits électriques et l’énergie du mouvement. Dans ses performances, les gestes ordinaires du chanteur, du guitariste ou du disc-jockey, non pas surjoués mais plutôt « sous-joués » dans une présence discrète, sont mis en situation dans des dispositifs révélateurs, empilements de cassettes, multiplication d’écrans, dédoublement d’images, montrant le hors-champ de la scène, l’anti-spectaculaire, les obstacles techniques, textuels, corporels qu’on doit surmonter. Pour Concrete Music, l’artiste a pris l’empreinte de vinyles sur des disques en béton, utilisables sur de vraies platines ; il nous donne alors à entendre le fantôme d’une musique, au seuil de l’audible mais parfois reconnaissable, habitée de multiples crépitements, qu’on saisit dans une attention presque tactile au frottement de l’aiguille sur les aspérités du béton. Les objets produits par l’artiste portent la trace, l’empreinte d’un geste souvent paradoxal, entre oblitération et révélation : boîte à musique poncée et réduite au silence, CD gravés au poinçon par les paroles d’une chanson, textes effacés dont les jambages résiduels semblent diffuser l’écho, carnets de note dont le moulage en béton dévoile les marques laissées en creux à la surface du papier par une écriture trop appuyée. Reste, trace, disparition, nostalgie, désir…
Anne-Belle Lecoultre