Jean-Philippe Lemée
Né⋅e en 1957
Vit et travaille à Rennes
Comme de nombreux artistes révélés à la fin des années 80, Jean-Philippe Lemée enregistre et assume le double héritage sur lequel s'est bâti l'art du XXè siècle : la modernité picturale et la réévaluation opérée par Marcel Duchamp. Le plus visible de son travail apparaît sous la forme de tableaux peints, ce qu'il appelle des « Tableaux Faits Main ». On y voit des représentations de stratégies militaires ou sportives (les Batailles, les Tennis etc.), de nombreuses références à l'Histoire de l'Art (Fra Angelico, Poussin, Courbet, Warhol etc.) mais également de banals objets de la vie quotidienne ou bien encore des jeux de société (Dessiner c'est Gagner). La forme tableau est incontestable : toile tendue sur châssis, dessin, couleur... la peinture dans ce qu'elle peut offrir d'évidence immédiate. Mais au-delà de cet impact visuel, une procédure particulière est à l'œuvre qui trouve son origine historique dans la redistribution des rôles que marcel Duchamp a suscitée en inventant le ready-made au début des années 10 e que d'autres artistes, parmi les plus pertinents, ont affinée entre les années 60 et aujourd'hui. Lemée explore jusque dans ses ultimes conséquences cette idée selon laquelle le regardeur joue un rôle actif dans la réalité de ce qu'on appelle une œuvre d'art. Il illustre à la perfection cette redéfinition de la place de l'artiste, non plus démiurge absolu et inaccessible, mais centralisateur d'initiatives et d'actions, de gestes et d'énergies, révélateur. L'art n'étant plus réductible à l'objet (tableaux, sculptures etc.), l'artiste devient ici metteur en scène, coordinateur de contributions et d'expériences où ce qu'on appelait autrefois le public se voit convié au festin auquel participe également le peintre en lettres qui réalise les pièces et tous ceux qui, à divers degrés, concourrent à ces moments.
Extrait d’un texte de Jean-Marc Huitorel.