Provence-Alpes-Côte-d'Azur

Jean-Baptiste Audat

Né⋅e en 1950

Vit et travaille à Marseille et en Afrique

Mode d'emploi

Qu'est-ce que c'est ce type qui s'habille en africain et se fait photographier?
C'est de l'art.
La différence entre un extincteur et cette exposition de Jean-Baptiste Audat tient essentiellement dans le mode d'emploi.
Pour l'extincteur c'est simple : il suffit de lire l'étiquette. Pour l'art c'est celui qui regarde qui invente en grande partie le mode d'emploi. En grande partie mais pas entièrement. D'où les quelques informations qui suivent.

  • Jean-Baptiste Audat a la peau blanche mais il est, pour une bonne part, africain.
    De sa naissance à ses vingt ans il a vécu dix-huit ans en Afrique, dans différents pays. Il a commencé des études artistiques aux Beaux Arts d'Abidjan, puis les a continuées à Marseille (“la seule ville où je pouvais être accepté” dit-il)
  • Ensuite il est devenu artiste. A la fin des années 70, il a fait partie de l'Adda, ce groupe d'artistes marseillais qui étaient des militants de l'abstraction. Comme la plupart des artistes de l'Adda, Audat a quitté Marseille et, pendant quinze ans, a développé sa peinture. De cette époque-là il se souvient qu'il regardait des cartes sans arrêt.
  • En 1984 Audat s'engage dans une aventure singulière. A côté de son oeuvre publique il décide d'avoir une oeuvre secrète. Pour cela il signe un contrat avec un artiste de ses amis, Antoine Perpère. Audat créera les oeuvres et Perpère les signera et les défendra, se présentant comme l'artiste. L'affaire dura dix ans. Outre que cette histoire permit de joyeusement rouler tout le milieu de l'art - on vit des Perpère faits par Audat dans les meilleures galeries - cela ouvrit à Jean-Baptiste Audat une grande liberté de travail et de recherche. À l'abri du regard public il pouvait donner plus de liberté à sa peinture. Et la peinture ne se gêna pas pour la prendre sa liberté. L'Afrique remonta à la surface et vint s'installer sur les toiles: masques, figures, végétations et mythologies.
  • Audat est retourné en Afrique. Il a développé des actions artistiques au Sénégal, au Mali et au Burkina-Faso. Des murs peints, une campagne contre le sida, du travail avec les artistes, les enfants et les écrivains publics. Il a su peu à peu et bientôt complètement que l'Afrique était une part de son identité. Il devait mettre cela à jour. Oser se montrer lui-même dans cette histoire avec l'Afrique. En faire une oeuvre. C'est ce que vous voyez dans cette exposition.
    En 1995 dans la capitale du Mali, à Bamako, Jean-Baptiste Audat est allé voir Seydou Keita, un vieux photographe de grand talent, très connu pour les portraits mis en scène qu'il a exécuté pendant de nombreuses années. Audat lui a raconté son histoire avec l'Afrique et son projet artistique, Keita a accepté tout de suite, en confiance. Il a proposé à Jean-Baptiste de l'habiller avec ses vieux boubous. D'accord et je m'appelle Jean-Baptiste Touré a dit Jean-Baptiste Audat.
    Cette exposition est le résultat de tous ces transferts d'identité. Qu'elle ait lieu dans un quartier de Marseille où beaucoup de gens se posent également des questions d'identité n'est pas un hasard mais un choix délibéré, on s'en doute.
    Pour revenir à l'extincteur, il y a une autre différence entre lui et l'art. C'est que l'art, quand il est de qualité, serait plutôt un allumeur.

Jean-Louis Marcos, 1997
Texte écrit à l'occasion de l'exposition au Centre social Frais Vallon, Marseille