Une phrase

Sur les murs de l’atelier, les tableaux voisinent, se déplacent, s’ajoutent les uns aux autres en un travail parallèle fait d’ajustements, de reprises, d’effacements. Certains touchent rapidement au but, d’autres, plus laborieux, s’attardent de longs mois. Quelques-uns sont un temps retournés, recouverts, mis de côté. De nouveaux prennent place, s’ébauchent. D’autres jouent l’icône dans un coin, haubanés de toiles d’araignées. La reprise d’une sculpture de Brancusi entre en conversation avec un tronc d’arbre, un figuier. Un fragment d’architecture et un paysage de mer semblent extraits d’une même séquence cinématographique. Toute cette matière visuelle se brasse, jouant d’effets Koulechov. C’est en quelque sorte la vie organique de l’atelier. Et si chaque tableau tient de l’aventure autonome, focalisant toute l’attention lorsque j’y travaille, à le considérer dans ses voisinages, vient l’idée qu’il participe d’une phrase. Une grande phrase d’images qui se réorganise, se reformule sans cesse, à chaque séance de travail, semaine après semaine, mois après mois. Cette exposition en reprendrait le principe. Ce serait le déploiement, dans cette grammaire propre, à l’échelle des cimaises, d’une longue phrase silencieuse.