
Paul Pouvreau
Dans l’obscurité d’un fond neutre, une simple poche plastique se dresse. Froissée, cabossée, elle semble tenir seule, sans appui, comme un corps sans squelette ou une voix sans récit. Et pourtant elle saisit, c’est une matière à penser.
Cette photographie, exposée ici dans un lieu qui s’est affirmé comme un espace privilégié pour les voix artistiques issues des diasporas africaines ou des marges géographiques, prend une dimension particulière ; car si l’objet est ici silencieux, il n’est pas vide. Le sac plastique est l’un des objets les plus globalisés du monde contemporain. On le retrouve dans les marchés, ruelles, les ports, les marges. Il circule, parfois sans destination. Il contient, il transporte, il encombre. Il devient parfois l’unique valise d’un déplacement, d’un exil, d’un commerce informel, d’une vie précaire.
Dans ce contexte, cette œuvre ne vient pas se placer à côté des récits portés par les artistes habituellement exposés ici. Elle s’insinue. Elle trouble, par sa fixité inquiète, son apparente neutralité, une lecture trop attendue des objets et des signes. Elle ne parle pas directement de migration, de colonialité, de déplacement - mais elle les laisse affleurer, en creux. Ce sac devient une forme de présence spectrale : celle de ce qui a été exploité, déplacé, abandonné.
Il ne s’agit pas d’un geste ironique ou conceptuel. Il s’agit d’un geste d’attention. Paul Pouvreau ne cherche pas à prendre la parole à la place d’autres récits ; il propose une forme, une écoute par l’image, un déplacement discret de la focale.
Magnin-A
118 boulevrad Richard Lenoir 75011 Paris
Du mardi au samedi de 14h à 19h