
De la côte, vers l'ouest
Aurore Bagarry (1982) nous invite à un voyage hors des sentiers battus, bien au-delà de la simple représentation du paysage. En regardant ses photographies, nous ne sommes pas face à des vues pittoresques, mais plongés dans des paysages-temps, des tableaux où la géologie se mue en chorégraphie silencieuse, et où la lumière sculpte le passage des ères.
À travers ses séries emblématiques, des majestueux « Glaciers » aux « Roches » brutes et aux étendues mutantes « De la côte », Aurore Bagarry ne capture pas l’instant, elle en révèle la longueur. Sa pratique de la chambre photographique, exigeante et méditative, ralentit le geste, impose une patience qui se répercute sur l’image elle-même. Les détails infimes des strates rocheuses, la texture ciselée par les éléments, les nuances chromatiques révélées par l’aube ou le crépuscule, tout concourt à une expérience sensorielle profonde, presque tactile. Ce n’est plus seulement l’œil qui perçoit, c’est le corps tout entier qui ressent la puissance des forces à l’œuvre.
L’artiste y déploie une réflexion sur la mutation incessante du monde. Ses côtes, balayées par les marées, révèlent des frontières poreuses et des formes d’une fragilité monumentale, là où terre et mer se rencontrent, s’érodent et se transforment sans cesse. Aurore Bagarry interroge notre place face à ces temporalités immenses. Elle nous rappelle que le paysage est une écriture collective, gravée par l’eau, le vent et le mouvement des plaques terrestres, bien avant l’intervention humaine.
En contemplant ses œuvres, nous sommes invités à une humilité vis-à-vis du temps géologique, à une prise de conscience de notre propre échelle éphémère. L’artiste ne cherche pas à dompter la nature, mais à entrer en résonance avec elle, à en saisir l’essence même : une beauté brute, une force tranquille, et une constante réinvention. L’exposition d’Aurore Bagarry est une immersion dans la matière du monde, un dialogue intime avec les éléments qui façonnent notre planète, nous conviant à voir au-delà de la surface, là où le temps s’incarne.
L’exposition d’Aurore Bagarry s’enrichit aujourd’hui d’une voix singulière : celle de l’artiste Vava Dudu (1970). Invitée à poser son regard sur les « côtes » d’Aurore Bagarry, Vava Dudu nous entraîne vers d’autres rivages, ceux des Caraïbes, à travers une exploration poétique et sensorielle. Ses mots, tissés de sensations et de rythmes insulaires, dialoguent avec la minéralité et la temporalité des images de la photographe. Ce geste unique est une invitation à percevoir comment la terre et la mer, qu’elles soient polaires ou tropicales, murmurent des récits universels, transformés par le prisme d’une sensibilité vibrante.
Le projet De la côte a été réalisé dans le cadre de la résidence de recherche et création « Grand Ouest » soutenue par la Fondation d’entreprise Neuflize OBC et les Ateliers Médicis et avec l’aide individuelle à la création de la DRAC Bretagne.
En partenariat avec le Centre d'art Gwinzegal, Guingamp et le FRAC Bretagne, Rennes.
Exposition au Centre d'art Gwinzegal, Guingamp du 14 févr. au 08 juin 2025 et au FRAC Bretagne du 20 juin au 30 sept. 2025