Actualités des artistes
Claire Chesnier, 120221, 2021
Encre sur papier contrecollé sur Dibond, 173,5 × 137,5 cm, collection FRAC Auvergne
© Claire Chesnier

Beautés

Exposition collective
Frac Auvergne, Clermont-Ferrand
du 24/06/2023 au 05/11/2023

Marcel Proust écrivait que « la vraie beauté est si particulière, si nouvelle, qu’on ne la reconnaît pas pour la beauté », soulignant notre impuissance à savoir la saisir quand elle se présente, surpris de la voir se révéler à retardement, après coup. La beauté est une friction de sentiments contradictoires. L’émoi, la merveille, la poésie et la légèreté côtoient la disgrâce, le périssable, le mélancolique et la gravité. Ce qui apparaissait comme dépourvu de beauté se révèle dans une floraison inattendue, plus subtile que ne le laissait prévoir le sens attribué à cette qualité souvent confondue avec la joliesse. La beauté se dévoile, opaque et nostalgique comme une goutte d’encre noire dans le lait, solaire comme un reflet scintillant à la surface de l’eau, infixable comme le défilement d’un paysage aperçu par la vitre d’un train lancé à toute allure à travers la campagne. Les beautés sont éclatantes autant que déclinantes. Sans doute la lumière faiblissante du crépuscule affleurant les ténèbres convient-elle davantage pour qualifier la beauté et son inéluctable fanaison : le coucher de soleil vespéral est autant le spectacle des bluettes romantiques que l’embrasement sidérant annonçant une extinction.

Acquises par la collection du FRAC Auvergne entre 1985 et 2023, les « beautés » réunies dans cette exposition sont nées des « caprices » de celles et ceux qui les ont créées. Par caprice, il faut entendre l’impulsion, la fantaisie, la générosité et la profusion, il faut éprouver le frisson (capriccio en italien) dont elles ont gratifié les artistes qui les ont imaginées bien avant de nous être données. Pas une beauté mais des beautés, associant leurs contraires dans une indémêlable étreinte. L’harmonieux se joint à la discordance, la magnificence accueille la stridence, le lustre accepte les plis urticants et les fascinantes désintégrations. Les remous d’une assemblée de carpes à la surface d’une mare cadrée par Rinko Kawauchi offrent une beauté déjà menacée par le frémissement d’une fragilité de vitrail ; la lumière d’aube des encres de Claire Chesnier affleure les tourbes originelles en même temps que le devenir boueux du monde ; la composition parfaite de Gregory Crewdson révèle son harmonie à l’aune de la solitude des êtres qui s’y trouvent figés dans une grâce, malgré eux.

Jean-Charles Vergne, directeur du FRAC Auvergne et commissaire de l’exposition